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CARRARA 13 May 2024

CARRARA & L’ EXTRAVAGANCE DU MARBRE

Il fallait être courageux ce matin-là pour décider malgré pluie et tempête, de braver ce mauvais temps pour monter au plus près des carrières de Carrara dans les alpes apuanes par 900m d’altitude…

Carrara :

Une histoire qui date de plus de 2000 ans et commence à l’âge de bronze où les hommes façonnaient le marbre pour faire des ustensiles, amulettes, parures.

L’extraction fut ensuite développée par les romains pour construire leurs édifices publiques et privés et façonner leurs statues. Leur exigence de qualité les mena vers le marbre de Carrare dont la blancheur est incontestable et reconnue.

Les modes et techniques d’extraction ont connus des développements significatifs à travers le temps.

L’utilisation de pics, coins et leviers, technique utilisée par Romains pour l’extraction avait recours à une  main d’œuvre d’esclaves, de condamnés ou de Chrétiens. Le Marmorarius extrayait le marbre, le Quadratarius taillait les blocs bruts et le Serrarius tranchait le bloc en plaques.

Les carrières de Carrare ont trouvé leur essor avec la Renaissance. Le marbre blanc de Carrare, blanc parfait, correspondait en tous points au matériau noble que recherchaient des sculpteurs comme Donatello, Andréa del Verrocchio, Lombardo, Sansovino ou Michel Ange.

Les sculptures représentent des corps nus plus valorisés et détaillés, avec des poses plus en mouvement, obligeant le spectateur à en faire le tour pour bien en voir tous les détails.

Il se dit que Michel Ange aurait sculpté le fameux David dans un bloc de marbre dont aucun autre sculpteur ne voulait car très étroit et de qualité moindre à cause d'une fissure, une brèche qu'il a utilisée pour créer l'espace entre le bras et le torse.

Aujourd’hui l’excavation à ciel ouvert des blocs commence par un dégagement du plan supérieur puis une découpe du plan inferieur.

Une extraction qui ne touche pas les pics des montagnes pour ne pas modifier la ligne du ciel – skyline -  et qui s’effectue en espaliers à partir du haut pour descendre progressivement par une succession de murs d’où sont extrait les blocs.

Ceux-ci sont découpés selon un protocole bien défini à l’aide d’une scie diamantée et de fils diamanté - constitué d'une alternance de caoutchouc et de perles de tungstène - pour devenir un bloc aux dimensions de 4 mètres de profondeur X 10m de longueur X 10m de hauteur.

Cet ensemble sera ensuite débité pour en faire des blocs transportables sachant que 1m3 pèse 3 tonnes…ils seront descendus par camion vers les scieries dans la vallée pour être découpés selon les usages et demandes.

L’eau utilisée pour les découpes de l’excavation est l’eau de pluie récupérée dans des citernes, car en effet il peut pleuvoir abondament aussi comme le jour de notre visite, comme il peut y avoir une chaleur accablante l’été.

Les techniques actuelles favorisent l’exploitation et le rendement globale des 3 vallées en exploitation à Carrara - Colonnata, Fantiscritti, Campo Cecina - qui produisent jusqu’à 25 millions de tonnes par an.

Une partie de ces marbres de différentes qualités en dehors du marbre statuaire, seront utilisés en architecture intérieure essentiellement pour les sols, plans de travail, salles de bain, tables et petits mobiliers.

Une forte demande à priori lié à son image de luxe et de richesse qui perdure.

Mais pas seulement car environ 75% du matériel extrait des carrières, sont ces «éclats» que l’on transforme en carbonate de calcium. Les célèbres blocs de marbre ne représentent que 25% de l’activité extractive totale…

Avec des investissements étrangers dont ceux de la famille Ben Laden, Carrara est devenue un bassin minier, bouleversant l’économie artisanale des carrières d’antan, développant une prise de conscience réactionnaire de la population en raisons de nuisances sonores intempestives, des non respects environnementaux et des rentabilités qui échappent à la ville et la région au profit des quelques familles et industries chimiques.

Une évolution qui se solde par un impact négatif sur l’emploi. En 2017, Massa-Carrare figurait à la deuxième place des provinces italiennes avec la plus forte hausse du taux de chômage: +36,7%.

Et parallèlement, le business du marbre et du carbonate de calcium s’envole…

THM

Crédits photo : THM