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L'invité du 13

PATRIMOINE: LES CHOIX 11 January 2014

L'ARCHITECTE ET LA RESTAURATION par Philippe JARD

Comme Rome, notre patrimoine architectural ne s’est pas construit en un jour.

Rares sont les édifices construits d’un jet et peu modifiés à l'image du château de Vaux le Vicomte dont la physionomie correspond à celle du 05 septembre 1661, date de l’arrestation de Fouquet par d’Artagnan et de l’arrêt immédiat des travaux.

Nos ancêtres bâtisseurs respectaient le legs architectural de leurs prédécesseurs. Ne voit-on pas souvent un chœur gothique prolongeant une nef romane? Une aile renaissance à côté d’une aile de facture classique? Certes, l’enjeu financier n’était pas négligeable mais à l’image de Louis XIV qui tenait à conserver le pavillon de chasse désuet de son père dans l’enveloppe du château de Versailles ou des Mauristes de l’abbaye de Saint-Germain-des-Prés  qui n’hésitèrent pas au XVIIème siècle à conserver la chapelle de la vierge et le réfectoire gothique construit par Pierre de Montreuil au XIIIème siècle, la volonté de préserver l’histoire était réelle.

Intervenir sur un édifice patrimonial : faut-il démolir, reconstituer ou restituer ?

Saint Germain-en-Laye : ce château d’origine médiévale, reconstruit sous François Ier fut agrandi sous Louis XIV par la création de logements supplémentaires. Tourelles détruites, nouveaux logements qui donnèrent à l’édifice un embonpoint disgracieux. Eugène Millet, disciple de Violet le Duc a, lors de la transformation du château en Musée, deux alternatives: soit restaurer le château tel que Louis XIV l’avait voulu, soit lui redonner son aspect Renaissance originel. C’est la deuxième option qui fut choisie malgré le renom de l’architecte sous Louis XIV… Jules Hardouin-Mansart !

Imaginons un pavillon de la place des Vosges à Paris détruit entièrement…. Le reconstruire à l’identique? Ou en fonction des tendances architecturales du moment, comme Place Dauphine?  La réponse semble logique aujourd’hui, mais qu’en était-il hier et qu’en sera-t-il demain ? Les quartiers historiques de Paris ont failli être entièrement détruits par le plan Voisin de Le Corbusier, Projet fou ? Certes, mais peut-être pas plus que celui du baron Haussmann….. Et si Baudelaire écrivait : « Le vieux Paris n'est plus ; la forme d'une ville change plus vite, hélas ! Que le cœur d'un mortel », que serait notre Paris aujourd’hui ?

« Restituer à Versailles sa grille Royale, c’est rendre à l’espace sa fonction symbolique, c’est redonner toute sa sacralité au château construit comme l’écrin du pouvoir suprême… » : Jean-Jacques Aillagon, tout juste nommé à la tête du Palais justifiait le chantier de plusieurs millions d’euros financé en partie par une entreprise privée. Cette grille conçue par Jules Hardouin-Mansart à la fin du XVIIème siècle se rattachait sur  deux pavillons en retrait de plusieurs mètres de la façade actuelle. Pendant la deuxième moitié du XVIIIème siècle, Ange-Jacques Gabriel, architecte de Louis XV, tenta de mener à bien son grand dessein qui devait transformer la façade du château côté ville. Ce chantier, suspendu en 1774, devait reconstruire à la mode du jour les bâtiments jugés vieillots et obsolètes et laissait une partie de la grille démontée, la partie toujours en place attachée à un ancien pavillon reconstruit... en 1820 sous Louis XVIII par Alexandre Dufour, aligné sur le pavillon voisin dû à Gabriel.

La grille n’a pas été démolie par la folie des révolutionnaires mais bien par une évolution des bâtiments. Dans ce contexte mouvant, qui constitue l’histoire même du château, comment asseoir sérieusement une reconstitution?

Il en est de même pour une reconstruction envisagée du palais des Tuileries ou du Château de Saint-Cloud à l’image du Château des Hohenzollern, copie conforme du «joyau prussien» détruit par le régime communiste en 1950.

Ces exemples nous touchent profondément car ils font partie de notre histoire et nous nous les approprions. Nos campagnes sont riches et la réflexion de l’architecte du patrimoine sur ces édifices mineurs doit être la même.

Exemple typique d’une restauration d’un château dans une région chère à Georges Sand, la Vallée Noire dans le Berry: sa construction s’échelonne au gré de ses remaniements sur presque cinq siècles. Comme beaucoup de châteaux ruraux, il est mal référencé et seules deux gravures des XVIIIème et XIXème siècle et une carte postale de 1950 permettent de retracer son évolution.

Quelle époque privilégier ?

Le XVIème siècle ? Au cours de l’été 1626, Louis XIII promulgua trois édits. L’un contre le luxe vestimentaire, le second contre les duels, le troisième ordonnant la démolition de certaines forteresses. C’est à cette époque que notre château perdit vraisemblablement son étage défensif… Faut-il le restituer ou le reconstituer ?

  Le XVIIIème siècle ? Loin des fastes de la cour de Versailles, l’adjonction de cette aile, si provinciale et champêtre qu’elle fut nécessiterait pour respecter sa configuration d’origine la démolition de toutes les parties créées au XIXème siècle.

Le XIXème siècle ? où la transformation de l’édifice est la plus marquée, faisant de  cette maison fortifiée un château d’opérette. C’est cette option qui a été prise par la démolition des constructions du XXème siècle reliant le château et la chapelle et la reconstitution façon Violet le Duc du porche d’entrée, des épis de faitage, du campanile et des gargouilles.

Restituer ou reconstituer ?

Une restitution est une recomposition des parties manquantes par des moyens virtuels informatiques ou sous forme de maquette. La reconstitution appartient au monde réel, issu de l’analyse des traces archéologiques et documents écrits ou dessinés. Elle n’a pas pour objectif la résurrection parfaite de l’original mais la mise en œuvre d’un substitut, ce qui n’a rien d’illégitime mais peut, si elle s’abrite sous le mot de restitution, devenir une falsification.

P.J.

  Philippe JARD, l'enfant qui fabriquait la ville autour du train…

Faute d’électricité dans la chambre de service de la rue des Saints Pères qui faisait office de salle de jeu, il composait, armé de colle et d’allumettes, le paysage de son train électrique condamné à l’immobilité…

L’Hôtel particulier -bien connu- qui faisait face à l’appartement de ses parents, ne faisait qu’attiser la curiosité devenue passion de Philippe….

A eux deux, le petit train et sa circonstance l’ont ainsi conduit à Chaillot…

Parmi les carrières offertes aux 800 diplômés de Chaillot en France :

-          Architecte des bâtiments de France, 250 salariés de l’Etat,

-          Architecte en Chef des Monuments Historiques, 40 fonctionnaires aux honoraires, seuls habilités à intervenir sur les bâtiments classés appartenant à l’Etat,

-          Architectes du Patrimoine, environ 250 d’entre eux établis en agences intervenant sur les bâtiments inscrits et classés n’appartenant pas à l’Etat,

Philippe a choisi cette dernière option et exerce au sein de JARD, BRYCHY Architecture qui se consacre aussi bien à des projets tout à fait contemporains qu’à des sujets étroitement liés au Patrimoine auxquels il cherche à redonner vie en les réinsérant, en puriste ou avec audace, dans notre présent.

JARD BRYCHCY Architecture  www.jbarchi.fr         01 53 33 85 85

-MH-